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Extrait de la brochure: L'anarchisme aujourd'hui Editions Alternative Libertaire (Bruxelles) & Editions Le Monde Libertaire (Paris)1996


Contre le réformisme et l’électoralisme

Comme nous l’avons dit plus haut, l’État n’est pas un outil neutre. Le conquérir pour tenter de mener une politique plus juste, pour, en quelque sorte, tenter “d’humaniser” le capitalisme est une véritable utopie. Aucun gouvernement de “gauche” ne pourra tenir ses promesses, tout simplement parce qu’en acceptant les règles du jeu de l’économie de marché et de la propriété privée des moyens de production, il sera contraint de faire la politique correspondant aux intérêts des véritables détenteurs du pouvoir: les patrons d’industrie, les groupes financiers, les multinationales. Voilà pourquoi la politique de gauche est un mythe.

Nous présenter aux élections pour tenter d’être élus n’est donc pas notre combat. La seule chose qui compte, c’est le rapport de force que seront capables d’établir les exploités, face aux patrons et aux gouvernants. L’abstention aux élections municipales, régionales, législatives ou présidentielles est un leitmotiv du mouvement anarchiste. L’abstention est l’expression d’un refus: celui de se prêter à la mascarade des partis démocrates. Nous y ajoutons immédiatement un distinguo capital: l’abstentionnisme du “pêcheur à la ligne” est tout aussi dangereux que l’acte du citoyen qui, se croyant “responsable’, met un bulletin de vote dans une urne, en signant l’arrêt de mort de son propre pouvoir politique. Notre abstentionnisme n’a rien d’un acte passif: il est un moyen d’intervenir en dénonçant la “politique-spectacle” et en affirmant la nécessité d’une prise de conscience du prolétariat.

Il n’est pas rare que l’on nous reproche cette tactique, en nous accusant de “faire le jeu de la droite, voire de l’extrême droite”. En 1981, il fallait “donner sa chance à la gauche”, et puis on verrait.. Depuis, on a vu! Bien sûr, il restera toujours les indécrottables pour nous certifier “qu’avec la droite, la situation aurait été encore pire”. Ce raisonnement du “moindre mal” peut mener loin, très loin! Si loin que l’on a pu entendre, en 1995, de lamentables dialogues entre partisans de la gauche, certains se demandant si un “Chirac social” ne valait pas mieux qu’un “Balladur qui avait fait confiance à Pasqua...” !. On atteint ici les sommets de la politique de comptoir! Reste l’argument “choc ”:“En ne votant pas, vous favorisez la progression de l’extrême droite! “. Notre réponse est claire: l’histoire nous a suffisamment montré que les démocraties n’ont jamais pu (ou voulu) barrer la route au fascisme. En Espagne, en 1936, vaincu dans les urnes, le fascisme, cinq mois plus tard, rejaillissait avec d’autant plus de force dans la rue. Et puis, s’il faut parler de “ceux qui font le jeu du FN”, parlons-en! À ceux et celles qui ont la mémoire courte, rappelons juste quelques faits, afin de montrer combien la gauche, historique et actuelle, s’est employée à pérenniser un système et des méthodes, qui, de fait, constituèrent un terreau fertile au fascisme: ce sont les élus socialistes du Front Populaire qui en 1940 votèrent les pleins pouvoirs à Pétain (excepté trente-six d’entre eux). C’est la gauche socialiste qui laissa la Révolution espagnole se faire écraser, en refusant de lui vendre des armes. C’est encore elle qui enferma les réfugiés espagnols dans des camps de concentration avant de les livrer aux fascistes. C’est le socialiste Jules Moch qui a inventé, en mars 1948, les CRS. C’est le général Bigeard, spécialiste de la torture, celui qui envoyait des camions pour ramasser les morts d’interrogatoires qu’on jetait à la mer qui déclarait en 1981, à propos de la victoire de la gauche:“Vous savez, ça ne me gêne pas. J’ai fait deux guerres coloniales. Toutes sous régime socialiste ” . C’est Mitterrand qui parla, avant les élections présidentielles de 1988, de “seuil de tolérance” au sujet de l’immigration. C’est bien Fabius qui déclara: “Le Pen pose les bonnes questions mais apporte les mauvaises réponses “ (quelles bonnes questions pose Le Pen? Aucune!); c’est bien la gauche qui multiplia les camps de rétention pour les clandestins, alors qu’il n’en existait qu’un seul sous Giscard !... Alors, que les électeurs et électrices de gauche n’essaient pas de donner des leçons aux anarchistes sur ce sujet! Si c’était être naïf que de voter à gauche en 1981, c’est aujourd’hui être masochiste!


Extrait de la brochure: L'anarchisme aujourd'hui Editions Alternative Libertaire (Bruxelles) & Editions Le Monde Libertaire (Paris)1996

 

 

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