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Sébastien Faure
Extrait de: " ÉLECTEUR, ÉCOUTE "
Bureau Anti-Parlementaire 1919



L'État, c'est l'ennemi !


Écoute encore. En régime représentatif, le Parlement, c'est l'État.

Théoriquement, il n'en est qu'une partie ; car en principe, il n'est nanti que du pouvoir législatif. Mais c'est le Parlement (Chambre et Sénat réunis) qui élit le Président de la République, entre les mains de qui est centralisé le pouvoir exécutif ; et si, théoriquement, c'est la Magistrature qui détient le pouvoir judiciaire, comme c'est le Parlement qui confectionne les lois et que le pouvoir judiciaire n'a que le mandat d'en appliquer les dispositions, on voit que, somme toute, directement ou indirectement, le Parlement est, en dernière analyse, omnipotent. C'est donc lui qui est l'État.

Or, l'État, disent les Anarchistes, c'est la prise de possession du Pouvoir par la classe dominante, au détriment de la classe dominée. C'est, actuellement, l'ensemble des institutions qui régissent la nation entre les mains des chargés d'affaires de la classe capitaliste et, plus spécialement de la haute finance, de la puissante industrie, du grand commerce et de la vaste propriété terrienne.

C'est la citadelle d'où partent les ordres qui courbent la multitude ; c'est la gigantesque forteresse où siège la force armée : troupe, gendarmerie, police, dont la fonction est de persécuter, d'arrêter, d'emprisonner et, en cas de révolte collective, de massacrer qui s'insurge.

C'est le monstre qui, insatiablement, se repaît du sang et des os de tous ceux qui, par leur travail, alimentent un budget qui s'enfle démesurément.

L'État, c'est l'ennemi contre lequel il faut lutter, lutter encore, lutter toujours, jusqu'à ce qu'il soit définitivement abattu.

En démocratie, l'État se flatte d'être l'émanation du Peuple souverain.Les partisans du système représentatif affirment que, en démocratie, c'est le peuple qui, par ses représentants, gouverne ; ils déclarent que, déléguant ses pouvoirs aux hommes de son choix, ce sont ses aspirations, ses besoins et ses intérêts, qu'il affirme par ses mandataires.

Ces Messieurs mentent et ils le savent bien ; mais ils répètent inlassablement cette imposture, dans l'espoir - hélas ! trop fondé - qu'un mensonge quotidiennement répété finit par acquérir la force d'une indiscutable vérité.

Entre l'assertion mensongère de ces théoriciens du démocratisme, assertion que dément la simple observation des réalités, et les affirmations des anarchistes, affirmations que justifient l'histoire et l'expérience, j'espère, électeur, qu'il n'est pas malaisé de fixer ton choix.

Ce n'est pas seulement de l'État dans les civilisations antiques, de l'État au moyen âge, de l'État incarnant le Pouvoir personnel absolu, mais bien de l'État sans exception et, par conséquent de l'État démocratique comme des autres que M. Clemenceau, qui s'y connaît, a dit au Sénat, il y a quelques années :

«Messieurs, nous connaissons l'État : nous savons ce qu'il est et ce qu'il vaut. L'histoire de l'État est toute de sang et de boue !»

Il ne s'agit pas de s'emparer de l'État, mais de l'anéantir.

Introduire des représentants de son parti dans les Assemblées législatives, c'est y glisser une fraction de soi-même, c'est apporter à ces Assemblées l'appui de son parti ; c'est leur infuser un sang nouveau ; c'est consolider le crédit de ses Assemblées, c'est fortifier leur puissance ; c'est puisque le Parlement et l'État ne font qu'un servir la cause de l'État au lieu de le combattre ; c'est donc tourner le dos au but à atteindre ; c'est paralyser l'effort révolutionnaire ; c'est retarder la libération.

L'État est le gardien des fortunes acquises : il est le défenseur des privilèges usurpés ; il est le rempart qui se dresse entre la minorité gouvernante et la foule gouvernée ; il est la digue haute et large qui met une poignée de millionnaires à l'abri des assauts que lui livre le flot tumultueux des spoliés.

Dès lors, il est naturel, logique et fatal que les détenteurs des privilèges et de la fortune votent avec entrain et conviction, qu'ils poussent avec ardeur aux urnes, qu'ils proclament que voter c'est accomplir un devoir sacré.

Mais déconcertante et insensée serait l'attitude de ceux qui, se proclamant en faveur d'un bouleversement social qui implique la disparition de l'État, ferait usage du bulletin de vote dont la conséquence serait, qu'on le veuille ou non, de légitimer les origines de l'État, de confirmer ses pouvoirs, de fortifier sa puissance et, par ricochet, de se faire le complice de ses forfaits.

Or, l'État, disent les Anarchistes, c'est la prise de possession du Pouvoir par la classe dominante, au détriment de la classe dominée. C'est, actuellement, l'ensemble des institutions qui régissent la nation entre les mains des chargés d'affaires de la classe capitaliste et, plus spécialement de la haute finance, de la puissante industrie, du grand commerce et de la vaste propriété terrienne.

C'est la citadelle d'où partent les ordres qui courbent la multitude ; c'est la gigantesque forteresse où siège la force armée : troupe, gendarmerie, police, dont la fonction est de persécuter, d'arrêter, d'emprisonner et, en cas de révolte collective, de massacrer qui s'insurge.

C'est le monstre qui, insatiablement, se repaît du sang et des os de tous ceux qui, par leur travail, alimentent un budget qui s'enfle démesurément.

L'État, c'est l'ennemi contre lequel il faut lutter, lutter encore, lutter toujours, jusqu'à ce qu'il soit définitivement abattu.

En démocratie, l'État se flatte d'être l'émanation du Peuple souverain.Les partisans du système représentatif affirment que, en démocratie, c'est le peuple qui, par ses représentants, gouverne ; ils déclarent que, déléguant ses pouvoirs aux hommes de son choix, ce sont ses aspirations, ses besoins et ses intérêts, qu'il affirme par ses mandataires.

Ces Messieurs mentent et ils le savent bien ; mais ils répètent inlassablement cette imposture, dans l'espoir hélas ! trop fondé qu'un mensonge quotidiennement répété finit par acquérir la force d'une indiscutable vérité.

Entre l'assertion mensongère de ces théoriciens du démocratisme, assertion que dément la simple observation des réalités, et les affirmations des anarchistes, affirmations que justifient l'histoire et l'expérience, j'espère, électeur, qu'il n'est pas malaisé de fixer ton choix.

Ce n'est pas seulement de l'État dans les civilisations antiques, de l'État au moyen âge, de l'État incarnant le Pouvoir personnel absolu, mais bien de l'État sans exception et, par conséquent de l'État démocratique comme des autres que M. Clemenceau, qui s'y connaît, a dit au Sénat, il y a quelques années :

«Messieurs, nous connaissons l'État : nous savons ce qu'il est et ce qu'il vaut. L'histoire de l'État est toute de sang et de boue !»

Il ne s'agit pas de s'emparer de l'État, mais de l'anéantir.

Introduire des représentants de son parti dans les Assemblées législatives, c'est y glisser une fraction de soi-même, c'est apporter à ces Assemblées l'appui de son parti ; c'est leur infuser un sang nouveau ; c'est consolider le crédit de ses Assemblées, c'est fortifier leur puissance ; c'est - puisque le Parlement et l'État ne font qu'un - servir la cause de l'État au lieu de le combattre ; c'est donc tourner le dos au but à atteindre ; c'est paralyser l'effort révolutionnaire ; c'est retarder la libération.

L'État est le gardien des fortunes acquises : il est le défenseur des privilèges usurpés ; il est le rempart qui se dresse entre la minorité gouvernante et la foule gouvernée ; il est la digue haute et large qui met une poignée de millionnaires à l'abri des assauts que lui livre le flot tumultueux des spoliés.

Dès lors, il est naturel, logique et fatal que les détenteurs des privilèges et de la fortune votent avec entrain et conviction, qu'ils poussent avec ardeur aux urnes, qu'ils proclament que voter c'est accomplir un devoir sacré.

Mais déconcertante et insensée serait l'attitude de ceux qui, se proclamant en faveur d'un bouleversement social qui implique la disparition de l'État, ferait usage du bulletin de vote dont la conséquence serait, qu'on le veuille ou non, de légitimer les origines de l'État, de confirmer ses pouvoirs, de fortifier sa puissance et, par ricochet, de se faire le complice de ses forfaits.


Sébastien Faure
Extrait de: " ÉLECTEUR, ÉCOUTE "
Bureau Anti-Parlementaire 1919


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