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Edito du COMBAT SYNDICALISTE de la CNT/AIT N°73 - AVRIL/MAI 2002
http://cnt-ait.info/


QUI EST FOU ?


jeudi 6 juin 2002

Richard Durn était fou. Seul un fou peut décharger son arme sur un conseil municipal. Qu'il soit RMiste, qu'il se décrive dans une dernière lettre à sa mère comme "un clochard... berné par les partis politiques" ne change rien à l'affaire. On nous le dit, on nous le répète sans cesse. Seul un fou peut abattre les serviteurs de la république. Fou, Richard "le moins que rien". Fou comme ce type qui, il y a quelques semaines, s'en est allé dans la boîte qui l'avait licencié abattre des collègues de boulot et son chef de service, avant de se trucider à son tour. Fou, ce type de Béziers qui, tel un condamné, harnaché de fusils et de roquettes, narguait la police au beau milieu d'un parking d'une zone commerciale. Fous, ces enfants, ces hommes et ces femmes de Palestine qui se font exploser aux postes de contrôle de l'armée israélienne ou dans des bus. La folie, c'est donc cela ? C'est la violence aveugle de la misère ? C'est de la mort qui éclabousse le mur de l'ordre établi ? C'est du déses-poir qui se venge ? Mais alors qui est fou, qui ne l'est pas ? De quelle folie nous parle-t-on ?

Ce soldat israélien qui épaule, vise, suit sa cible et d'un "clic" appliqué tue un gosse de Gaza, ce soldat est-il fou ou normal ? Ce commandant de la marine ita-lienne qui éperonne un vieux rafiot rouillé, bondé de réfugiés, et le regarde couler, est-il fou ? Cet avocat new-yorkais qui s'en revient d'Afrique du Sud, les mains tou-jours aussi blanches, fier d'avoir sauvé les brevets des firmes pharmaceutiques américaines au prix de millions de morts du VIH, est-il fou ? Sharon, le boucher des camps du Liban, qui aujourd'hui encore lâche ses chiens blindés sur les camps de réfugiés pour de sanglants ratissages est-il fou ? Et Bush, dont tout le monde s'accorde pour reconnaître qu'il n'a pas toutes ses facultés mentales (les électeurs américains seraient-ils fous ?), est-il fou lorsqu'il parle "d'axe du mal", et de "croisade" et lance ces bombardiers gorgés d'armes à l'uranium appauvri sur les montagnes afghanes ? Où sont les fous ? Qui sont les fous ?

Si Richard Durn était fou, alors Sharon est un fou encore plus inquiétant, encore plus sanguinaire. Et Bush avec sa croisade est atteint d'un excès de folie terrifiante, au sens propre une folie qui terrorise. Ou alors, je me suis trompé : La folie, ce n'est que pour les hommes et les femmes ordinaires, pour ceux qui "pètent les plombs" comme l'a dit, plein d'humour, un chroniqueur de France inter le soir où Richard Durn a vidé ses revolvers. Exclu, exilé, colonisé, exploité, tu t'exploses, on t'estampille "fou véritable", et on tourne la page, sans autre question. Pour les autres, pour les hommes de pouvoir ; les Bush, Sharon et compagnie, ce n'est pas de la folie, c'est "un certain courage politique" comme l'a écrit plein d'admiration le triste Alexandre Adler dans les colonnes de Courrier International.

La mort, lorsqu'elle surgit au coeur de nos vies sages d'occidentaux appliqués, a des allures de fin du monde. Mais lorsqu'elle se répand méthodiquement, avec rigueur et application, sur des régions entières de la planète, la mort s'habille de nécessité, de démocratie, d' "axe du bien". Si ce monde est fou, c'est de pouvoir et d'argent. Il est écartelé entre l'immense majorité des hommes qui vivent dans la misère morale et physique, et une minorité de possédants repus et sans autre mora-le que le pouvoir et le profit. Au fond, le monde n'est pas fou, il est désespéré. Nos princes d'Occident l'ont bien compris. Sous couvert de Ben Laden et de Richard Durn, au nom de la lutte contre le terrorisme (qu'ils ont le plus souvent armé, formé et financé) et la folie, c'est contre nous qu'ils s'arment, contre tous ceux qui refusent cet ordre établi, ce pillage organisé. S'il est une folie, c'est de croire que rien ne peut plus changer dans ce monde infâme. Derrière leurs chars, leurs boucliers anti-missiles, et leurs capitales de la finance, on dirait des seigneurs féodaux, s'enfermant dans leurs châteaux, et qui, protégés par leur troupes de mercenaires, attendent en tremblant que la marée des gueux et des mendiants, en route pour la révolution, les submerge définitivement.

Bonne lecture.


Edito du COMBAT SYNDICALISTE de la CNT/AIT N°73 - AVRIL/MAI 2002
http://cnt-ait.info/


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