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Extrait de la brochure: L'anarchisme aujourd'hui
Editions Alternative Libertaire (Bruxelles) & Editions Le Monde Libertaire (Paris)1996


Le refus de l'État

Premièrement l'État n'est pas un outil neutre que l'on peut utiliser à bon ou mauvais escient.

À partir du moment où un groupe dispose des moyens d'oppression (militaires et policiers) lui permettant d'agir dans ses seuls intérêts, il ne faut pas s'étonner qu'il les utilise ! Parler "d'abus de pouvoir" est ridicule, car à quoi servirait le pouvoir si l'on n'en abusait pas ? Prenez le plus généreux des ouvriers, donnez-lui un trône et il se transformera en un dictateur paranoïaque !Deuxièmement rejeter l'État, ce n'est pas rejeter l'organisation. Ceux pour qui l'État est d'une absolue nécessité font volontairement ou non, de sérieuses confusions entre État et société. il est vrai que les êtres humains ne peuvent vivre sans ordonner leurs relations et leurs actions. Ils ont besoin pour cela de se doter de structures politiques et d'organismes de gestion. Mais il est complètement faux de croire que l'État est la seule forme d'organisation possible ou qu'il est un "inévitable moindre mal".

En confisquant nombre de fonctions d'utilité collective (comme la santé, l'éducation, les transports, etc.) l'État veut se parer d'une légitimité sans faille, nous persuader qu'il est incontournable.

Il s'agit d'une gigantesque escroquerie : les classes dominantes ont construit les appareils d'État pour servir leurs seuls intérêts et non pas la société. L'État est un outil de répression, de contrôle et de gestion, qui opère contre nous et qui limite ou écrase nos initiatives d'auto-organisation.

Pour que la société fonctionne, nous n'avons pas besoin d'être dirigés, et, refusant l'État nous proposons le fédéralisme libertaire et l'autogestion (sujet que nous allons traiter plus loin), c'est-à-dire des modes de fonctionnement qui donnent aux individus la possibilité de coordonner les activités sociales, en traitant d'égaux à égaux.

De par notre anti-autoritarisme, nous sommes amenés à nous démarquer des démocrates. La démocratie, c'est étymologiquement l'idée du "pouvoir du peuple" mais historiquement c'est la référence, soit à la démocratie athénienne (où il y avait des esclaves !), soit à la démocratie actuelle qui s'est développée depuis la Révolution américaine et affirmée avec la Révolution française. Pour éviter de se faire piéger par le jeu du langage, nous pouvons dire que le problème fondamental est celui de la délégation de pouvoir : être démocrate c'est penser que le peuple "doit élire ses gouvernants " ( par le suffrage universel ).

Le "démocrate " reste donc dans le schéma dirigeants-dirigés. Si la dictature est le pire des systèmes politiques, nous constatons que dans la démocratie, le pouvoir des individus, des collectivités, des groupes sociaux, etc., se réduit à une peau de chagrin. Les "citoyens" n'ont aucun contrôle sur leurs élus : si ces derniers ne respectent pas leurs engagements (comme c'est habituellement le cas !), personne ne peut les destituer, on leur a donné un véritable chèque en blanc... Pourtant, certains vous diront : "Si tel candidat déçoit, il ne sera pas réélu ! ". Et alors ? Ce sera l'un de ses acolytes qui le sera, pour refaire une politique pratiquement identique ! Ou bien, le candidat jurera ses grands dieux que, cette fois-ci, il s'en tiendra à son programme et une fois de plus, il trompera l'électorat crédule !Par ailleurs, il faudrait s'interroger sur les véritables pouvoirs des gouvernements ! Dans le jeu économique, les dirigeants, quelles que soient leurs intentions préalables, n'ont pas de marge de manœuvre significative. Ils sont subordonnés aux intérêts capitalistes. Ils gèrent la crise sociale, par de fausses politiques de l'emploi, par la charité et "l'action sociale", par la répression.

Enfin, la démocratie, c'est la primauté de la règle majoritaire.

À ce titre, le référendum est paraît-il, la forme de gouvernement la plus "démocratique" : les "citoyens" ne sont-ils pas appelés à intervenir directement dans la "vie politique du pays" ? Or, c'est une évidence, la majorité n'a pas toujours raison.

S'en remettre sans condition à son jugement pour prendre des décisions sur tout est extrêmement dangereux : allons-nous accepter de voter sur des questions comme la peine de mort, l'expulsion des immigrés (ou "enfants d'immigrés"), le droit des femmes à travailler ? On ne peut pas accepter de soumettre à un vote ce qui n'est pas négociable et ce qui bafoue le principe de la justice sociale !Ceci dit nous ne sommes pas systématiquement opposés au vote.

Nous pouvons y recourir s'il est conçu comme un mode de décision accepté par tous, afin d'avoir à un moment donné, des indications sur les positions de chacun, de trancher rapidement des questions techniques, de choisir entre différentes options économiques de production.


Extrait de la brochure: L'anarchisme aujourd'hui
Editions Alternative Libertaire (Bruxelles) & Editions Le Monde Libertaire (Paris)1996


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